• Seule. Désespérément seule. Sans cesser une seconde de l'être. Je me tourne vers le miroir. Aucun reflet n'apparaît, mon visage, triste et lourd, s'est effacé au fil de mes espérances meurtries. Dix-sept années de disparition progressive, dix-sept années de labeur à me détruire. Aucune phrase, aucun mot, aucune lettre. Points de suspension qui s'enfilent comme des perles sur les liens douloureux de mon existence. Je n'ai aucun poids dans le monde, dans mon monde, dans votre monde. Je ne compte pas. Voie inutile, superficielle, superfétatoire. Il n'est rien en moi qui puisse résister à votre regard injuste et scrutateur. Je m'efface. Je m'envole. Je m'éloigne. Sensiblement. En un instant. Cela ne change rien, présente, je suis absente, je suis loin, je ne suis plus là. Les autres, les autres ont cette chance de savoir rire quand il le faut, de s'imposer parfois, de parler, sans cesse. Je me tais. Mes mots, mes opinions, sont stupides. Exaspérantes. Je ne compte pas, je ne compte plus. Et puis, je ne me conte pas. C'est trop dur, trop compliqué, trop inutile. Qui me lit, qui me comprend, qui m'aide, qui me console ? Je me plains sans cesse. Je devrais avoir bien honte de le faire.

    J'ai bien honte de le faire.


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  • Je n'avais jamais compris pourquoi brillait le soleil.

     

    Je ne ressens plus la chaleur, ni l'humaine odeur ou le suintement de mes larmes. J'ai parcouru le monde, pétri de grâce la mousse verte, frôlé la fougère légère et foulé du pied l'herbe veloutée. Je perds le sens du désir et du plaisir, erre d'ère en ère, et dépourvue d'idéaux, je perds l'adolescent et l'adulte. J'ai visité de vastes contrées, appris les mœurs en buvant le vin que l'on m'offrait, chanté les louanges des vestiges passés en dévorant les riches plats que l'on me servait, rêvé aux hommes en embrassant les livres que je lisais.

     


    Chaque mot, chaque lettre pénétrait mon derme, intime sensation qui excitait mon esprit farouche.

     


    Je ne respire plus l'air changeant de la forêt, mille et une effluves issues de mon cœur soumis. Je grouille de fond en fond, m'escarmouche, éternue un peu et me replie. J'ai observé le silence, caressé son orgueil pour finalement m'énamourer de mon Mystérieux inconnu qui ne cessait jamais de m'entourer. Je bourdonne, je frissonne au gel et dégel, au soleil vermeil. Je ne goûte plus aux fruits, aux légumes tendres. Je me sieds de mon quotidien quand je vivais pleinement l'aventure.

    Je ne mesurais qu'une pomme ou deux, c'est vrai...

    Et j'ai encore peur de grandir.

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  • Tu as le pouce écorché, mais continues ton labeur. L'idée de l'achever ainsi ne t'effleures pas même l'esprit. Tu grattes, tu forges, tu transperces et graves dans le tronc le nom que tu tiens de tes parents. Chaque lettre trouvera sa place au côté de la précédente, fourvoyant toute interstice capable de se dissimuler, de-ci, de-là. Ta création se doit d'être concise, impeccablement cicatrisée au creux de l'arbre dénudé par la saison froide. Bientôt s'approcheront les nuages et tu rentreras chez toi, poussée un instant par un brin de raison que te prodigue la nature. La pluie est fraîche, l'ombre profonde, et l'herbe nonchalante. Tu essuies quelques perles de sueur sur tes tempes, appuies plus encore ta fluette lame sur le Malheureux qui souffre et qui te le cache, graves ce nom que tu refuses le jour et analyses la nuit.



    Bien sûr, tu aurais désiré l'ancrer dans les mémoires d'une toute autre manière, plus artistique, plus brûlante, partant plus poignante. Un soir, dorlotée par le feu de cheminée qui s'épuisait sensiblement, tu avais rêvé au monde, celui des grands, des puissants, sans doute alors, des vivants. Tu quittais ta campagne natale pour n'y plus revenir, offrant une maison nouvelle à tes géniteurs, puis à celui que tu aimeras afin d'y fonder une famille unie par les liens du sang.



    Du sang.



    Tu as le pouce écorché, mais continues ton labeur : tu vivras, vivras à travers ces amoureux qui s'enticheront de ton arbre, de ces vieillards qui crèveront à ses pieds, et des enfants qui courront aux alentours.



    Tu vivras.



    Longtemps.


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  •  Exercice de style... Quelques intrus dans le texte qui suit?

    Je déboutonne un à un ton pantalon froissé, mais ne quitte ton regard. Ô douceur de l’âme, ô yeux étincelants, miroirs de ta bonté exemplaire, ô lèvres -desséchées par le soleil… Je m’agenouille et baisse délicatement ce jeans qui m’insupporte. Je clos mes yeux comme indélébile suspens de toi, pour ne les rouvrir qu’une fois l’ignoble à terre. Je caresse avec - force - le - string kangourou - que tu portes - malicieusement. Peu à peu, je sens la chaleur m’envahir, et l’irrésistible besoin de ne faire qu’un avec ce corps - foisonné de mille et une pustules - m’envahit comme surgit la marée nouvelle et immuable. J’y appose baisers mouillés, sucrés, salés, grisés de nous. Tu attrapes - énergiquement - mes deux seins dénudés et m’invites à - arracher avec les dents ce string que je ne saurais voir. Je passe furtivement ma tête le long de tes fesses envoûtantes, recule et reprends ma danse tel un gourou. Sans hésiter, tu attrapes mes cheveux d’une blondeur vénitienne - et m’en arraches une poignée, misérables muscles raidis par le plaisir! Je pousse un - hurlement - à l’instant, et d’un geste - brusque - me - tords le cou - selon la danse qu’exécutait ma nuque. Effrayé par - ce cri animal - tu recules d’un unique bon sur le sofa, et te - vautres- comme une -…- sur les coussins moelleux et humides de notre humaine sueur. Simultanément, je me relève comme une lionne - dont le détestable cadavre d’un string resterait accroché aux crocs. Je m’empare succinctement de ma - vieille culotte tachée de-ci, de-là -, m’empare de mes chaussettes - enivrantes et trouées -, enfin de mon pantalon - dont le premier bouton reprit sa liberté au dernier repas. Je romps simplement le contrat - sexuel - qui existait entre nous, - la bave dégoulinant à la commissures de mes lèvres- pulpeuses.


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  • Fillette à son puits prélève l’eau magnanime. Fillette accoudée sur les rebords de l’abîme se noie de miroitements palabrés aux ressentiments immuables. Écho de haine et de souffrance en furtifs applaudissements. Fillette aux yeux cadavéreux observe le monde au creux des brûlants reflets de soi. Fillette à son puits puise chacun des mots oubliés et fantomatiques, remplit sa bourse de mensonges, de rêves imperturbables et courroucés. Fillette en soleil oppressant assoiffe ce trou béant et décharné épris de l’eau. Fillette de poussière recouvre l’orée en véhéments coudoiements.

     

    Fillette à son puits tremble de vertige, se penche un peu plus, et soupire, et maudit, et condamne, et dénonce, et se mutine. Comptine de Fillette.

     

    Fillette en ronde vomit les prompts éclats. Fillette agenouillée derrière un unique pilier dérisoire fend l’enfance d’une dague. Chanson d’émoi et d’exécution en mauvais tirs. Fillette aux bras ballants se promène et se perd en ronde triste et monotone. Fillette atterrée regarde le ciel gronder sous la close horizon. Fillette recluse tempête.

     

    Fillette en ronde tremble de vertige, se referme un peu plus, et soupire, et maudit, et condamne, et dénonce, et se mutine. Comptine de Fillette.


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