• Elle

    J’aurai bientôt l’impression que le mot « sourire » n’existe plus parmi les maux.

    Je ne connais pas son orthographe.

    Je ne connais pas sa définition.

    Il me semble que des années se sont écoulées, tranquillement, inlassablement, depuis qu’une dernière grimace a distendu les muscles de mon visage. Comme si le soleil n’existait plus. Comme si la terre ne tournait plus. Comme si les secondes d’un mortel temps ne s’écoulaient plus. Et déjà, je souffre d’être encore vivante. Le printemps succédera-t-il à l’hiver de mes pensées engourdies? Tourments tempétueux dans mon âme endolorie. Je crois que l’heure d’une nouvelle ère ne sonnera plus, l’eau ne s’écoule plus, la clepsydre se fend. Et l’ombre de ne plus tourner, mais de s’installer au creux de mon cœur dont la froideur raidit peu à peu les membres dont je suis empreintes. Je respire les écumes d’horreur qui émane d’un sang que je fais régulièrement couler, je respire le sérum dénaturé en fumée d’opium, je respire l’éclat d’un nouveau point sur ma peau piquée. Je défaille, il me semble que je défaille. Et je ne comprends plus. Ma vision se trouble, le besoin d’une dose retentit au creux de mon crâne qui se brise à chacun de ces cris. Je refuse. Mais je cède déjà…

     

    J’aurai bientôt l’impression que le mot « sens » n’existe plus parmi les maux.

    Je ne connais pas son orthographe.

    Je ne connais pas sa définition.

    Il me semble que des années se sont écoulées depuis que ma raison s’est égarée, vainement, irrémédiablement. Et je ne crois plus analyser les instants d’un rien quand mon cœur s’acharne à vénérer celles et ceux qui me détruisent peu à peu. Comme une poupée de chiffon déchiquetée malicieusement; mais je ne connais pas même mon rôle.

    Celui de me vider de mes boyaux?

    Celui de déchirer à n’en plus pouvoir?

    Je me vois grandir dans un monde dont le sens s’effrite à chacun des jours qui s’écoulent comme un couteau dans une plaie ouverte. Et si le monde lui-même ne tourne plus, comment la mince vie d’une adolescente qui s’égare peut-elle trouver raison? Les grands s’envolent. Et les petits les précèdent. Je ne connais plus les mots, seulement les maux. Cette pluie en fracture douloureuse sur mes épaules brisées. Le ciel en chaos de désarroi. Les nuages en fardeaux atypiques. Puis-je croire un jour n’être plus que kaléidoscope de mes pensées sans aura? Mais ce manque qui m’agresse, qui me menace, et qui m’assujettit à lui… Je refuse. Mais je cède déjà…

     

     

    J’aurai bientôt l’impression que le mot « bonheur » n’existe plus parmi les maux.

    Je ne connais pas son orthographe.

    Je ne connais pas sa définition.

    Il me semble que des années se sont écoulées depuis que cette écorce vénérable s’est détachée en hurlement de mon corps égratigné. Mon heurt ne sera plus antiseptique, et déjà, la gangrène s’empare de mes plaies, la pourriture et l’odeur de la mort s’empare de tout mon être quand je n’ai plus les moyens de me soigner. Je crois apercevoir sur les draps de mon lit pur et blanc le sang de ma dernière tentative. Et de manière immuable, ce besoin de piqûres, pour me permettre de guérir, disait-on, et toujours cette poudre inhalée entièrement quand sonne l’heure de ne plus dormir, je perds les gélules, et m’effondre.

    Les lapsus se succèdent au son des discussions. Corps rime avec sort. Le sort de ma mort. Pourrir rime avec sourire. Le sourire de mon soupir. Luire rime avec nuire. Nuire pour enfin fuir.

    Je crois ne plus saisir quand commence le bonheur et se termine le malheur depuis que la dose obsède mon corps et mon âme. L’aiguille est en face, et ma respiration saccadée s’arrête l’espace de quelques secondes. Face à moi, elle si petite mais qui suggère sa supériorité sur mon être dénaturé, elle si brillante et exquise qui m’apportera la découverte d’un extase inébranlable, elle si indépendante de ma volonté, mais qui sait être révérée, elle qui m’observe quand mes yeux se ferment. Elle qui m’appelle inlassablement quand mon corps frissonne, la peur, et le froid.

    Elle.

    Je m’y refuse, mais je cède déjà…


  • Commentaires

    1
    Vendredi 16 Juin 2006 à 15:53
    <3<3
    super poème!
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