• Je regarde le ciel décoloré par la brume. Plus de bleu, plus de rose, plus de lumière en poussière dorée. Seulement des nuages gris et vagues, des formes invisibles, un cœur bombé, pluvieux. Les fruits perdent peu à peu leur saveur, l’herbe son odeur, le vent sa fraîcheur. Je suis si petite… Je m’assois un instant, pense au malheur. Je suis la plus heureuse depuis que ma tristesse se déploie sur mon âme en pluie de bonheur. Le sang m’inonde d’une envoûtante chaleur qui se délecte de mes grains de peau. Le plaisir de m’y baigner se mêle étroitement à l’horreur de n’y plus respirer. Enfin, l’odeur délicate qui s’exhale sous mes narines jusqu’alors inutiles.

    J’ai le temps qui foisonne un peu plus ma peau en mille plis indistincts, j’ai la pluie qui déshydrate posément chaque parcelle de mon corps amputé. Je regarde plus profondément encore mes deux mains pâles et tachetées de-ci, de-là par la boue fiévreuse du terrain. J’écarte mes doigts les uns des autres en dix flèches directionnelles qui se démantèlent les unes des autres en divers chemins dont le sens ne m’apparaît clairement. Autant de voies pour un unique bonheur tellement inatteignable! Chaque route de vie comme un arbre, des racines jusqu’aux feuilles tremblantes. Le choix est difficile, les résultats imprévisibles, et le rôle de l’homme éphémère. Je suis en proie aux mains d’un fatal destin qui se dessine sur le sol abreuvé par la rosée matinale. Alors, l’impression de n’être qu’un objet inanimé, un pantin de bois, une poupée de chiffon, une métallique toupie m’assaille et je referme chacun de mes dix doigts sur le paume de ma main colorée par l’humidité.

    J’observe l’iniquité entre ciel et terre, et m’insurge un peu contre ces différences qui oppressent les êtres humains. L’étouffante respiration, l’éprouvante destinée en unique doigt fléché, j’invoque le Bonheur en instance, j’invoque la clepsydre en décor surnaturel mais protecteur. Je me dis que la fatalité est trop dérisoire pour être suivie. J’ai peur de n’avoir pu, une unique fois, décider de la voie empruntée, choix mûrement réfléchi, et réfracté en miroir de sang. L’envie de bonheur m’émeut, et je conjure l’âme du monde de me l’offrir présentement. Mais sa réponse est faible, trop indicible, conséquence irrémédiable de mon malheur en pluie de joie. Les êtres humains sont si subtiles que je ne peux les comprendre. En suis-je réellement un, moi qui ne me meus que lorsque la force d’un futur en indicatif m’attire parmi ses filets de pêcheur en horreur?

    Je le hais, ce vil petit pêcheur. Je la hais, cette méticuleuse pluie d’or, je le hais cet inutile pantin de bois pourri, je la hais cette route sinueuse qui ne me mène nulle part, je le hais ce miroir de sang qui m’empêche de goûter au monde, je les hais.

     

    Sentiments acerbes d’un rien en cendre de mots.


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  • Rosé, violacé… Tout danse le matin. Les couleurs en animosité, nouvelles et éphémères, la brise sur mes cheveux dorés, la verte feuille qui tremble de ne pas tomber, enfin les arbres et les branches, tout de la sève jusqu’à l’épine, l’aube et l’épine, l’aubépine qui valse, qui s’échappe, qui me quitte. Ô enlace moi mon aube, mon épine, toi qui me piques, toi qui me fuis, toi qui me crées, toi qui m’énigmes!

     

    Rosé, violacé… Tout danse le matin, et puis le papillon, l’oiseau qui dans son nid se dépose, et chantonne, le chant, tout tonne, et tout en voix de printemps, les couleurs s’embrassent et s’embrasent…

    Le béton de la route enfin éclairé, la maigre lassitude de l’herbe envoûtante, enivrante… Verte et fraîche; elle dort. Et j’éveille le silence matinal de mes pas feutrés. J’entends, je vois, je suis sens. Les bancs matérialistes, les rires sentimentaux, les baisers amoureux. Le gris lunaire s’échappe de la surface terrestre dans l’infrangible immensité.

     

    Rosé, violacé, et tout tournoie à mes côtés. Je ris, enfin je vis. Parmi les tempêtes et les blizzards, la brise matinale. Je ris, enfin je vis.

     

    Que tu es belle, Nature, quand tu t’éveilles!


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  • Lèvres sur les miennes comme un sentiment d’allégresse éperdue. Le temps perd son compte seconde, son compte minute, envolé le conteur. Il s’écarte un instant de sa route dans une ode à l’errant, sur mon corps en une mer de sable, humide et fuyante.

    Enivrante!

    Grise moi, déflore moi comme un brin de muguet

    Caresse moi, prends moi comme une pluie de fantasmes

    Dévore moi, viole moi

    Je suis à fleur de peau, à fleur de maux!

    Souffle chaud dans ma nuque, j’ai ma raison en tumulte qui me dicte l’égarement d’une ode à l’enfant. Je suis une fée Chocolat, une fée Sucrée, je suis une fée en émoi.

    Fais moi!

    Fais moi l’amour, fais moi le jour comme un rayon de plaisir

    Fais moi rire, fais moi le monde comme une bulle de souvenirs

    Fais moi jouir, fais moi désir

    Je suis à fleur de peau, à fleur de maux!

    Doigt délicat sur mon cœur frisson, brume d’extase en aura d’un état détaillé, animé. C’est du sang bouillon qui coule dans mes veines, c’est du sang blanc en paraître de mon grain de peau chatoyant.

    Affriolant!

    Je suis folle, je suis kaléidoscope de sensations couleurs

    Je suis brûlante, je suis nue en dos à dos, do à ré

    Je suis sucette, acidulée

    Je suis à fleur de peau, à fleur de maux!


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  • Des boucles brunes. Une peau frémissante et délicate. Un reflet en grain d’errance. Désespoir. Des lèvres fines, rosées, légèrement pâles. Subreptice ornement qui s’égare au rythme des flux, reflux d’une main caressante. Un nez aquilin, des yeux ocres, bois d’orme en souffle dénudé. Un reflet en miroir torpide. Souffrance.

     

    Délicatement une larme d’opale, retenue à sa joue pâle, redondance souffreteuse, délicatement une larme d’agate, de ses yeux en pluie d’égarement, finement, comme une toile de diamants, brillantes et inépuisables comme une aquarelle de cristal. Un miroir en reflet irisé, kaléidoscope de tes pensées, toi, Étoile dansante, enivrante, trop désabusée et déjà morte.

     

    Une gorge impuissante et languissante. De fines oreilles, trop entendantes. Un reflet en encre de Chine. Tourment. Des pommettes lassées, échappées, envolées. Miroir tacheté qui se brise au son de tes soupirs inavoués. D’une mer houleuse, tu vogues, d’une barque cadavéreuse, tu tournoies, d’une écume ténébreuse, tu dérives aux notes de la lyre, neige d’émeraude en blizzard caverneux, en volutes de cris étouffés, hurlement d’or et d’argent, tu dérives, toi, Étoile dansante, enivrante, trop désabusée et déjà morte.


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